Propriété colligative

Diagramme de phases d'un solvant pur (courbes pleines) et du même solvant en présence d'un soluté (pointillés). Les propriétés colligatives se traduisent par un déplacement des courbes d'équilibre solide-liquide et gaz-liquide.

En chimie physique, une propriété colligative d'une solution chimique correspond à la différence entre une propriété donnée d'un solvant pur liquide à l'équilibre avec une autre phase et la même propriété de ce solvant en présence d'un soluté. Le mot colligatif vient du mot latin colligatus qui signifie lié ensemble, une propriété colligative étant la conséquence de la dilution du solvant par le soluté.

Les propriétés colligatives sont étudiées sur les solutions liquides dans lesquelles le soluté est très fortement dilué et qui peuvent en conséquence être considérées comme des solutions idéales : elle ne dépendent alors que de la quantité (nombre de moles) du soluté et non de sa nature chimique. La condition de solution idéale permet en effet de négliger les interactions particulières existant entre solvant et soluté et qui diffèrent selon les espèces chimiques présentes. Sous la condition de la solution idéale, les propriétés colligatives fournissent des moyens expérimentaux de détermination de la masse molaire du soluté en ne connaissant que les propriétés du solvant pur. Elles permettent également d'étudier le comportement du soluté en solution, celui-ci pouvant en effet se dissocier (par exemple en formant des ions) ou s'associer (par exemple en formant des dimères). Les propriétés colligatives comprennent :

Les trois premières lois ont été énoncées par François-Marie Raoult à partir de 1878, elles sont appelées collectivement lois de Raoult. La quatrième loi a été énoncée par Jacobus Henricus van 't Hoff en 1886, ce qui le valut le premier prix Nobel de chimie en 1901.

Principe général

Diminution du potentiel chimique du solvant

Lorsqu'un solvant pur liquide est en équilibre avec une autre phase φ {\displaystyle \varphi } (solvant pur gazeux ou solide) sous la pression P {\displaystyle P^{\circ }} et à la température T {\displaystyle T^{\circ }} , les potentiels chimiques de ce corps dans les deux phases sont égaux :

Équilibre de phases du solvant pur
μ φ , ( P , T ) = μ l,* ( P , T ) {\displaystyle \mu ^{\varphi ,*}\!\left(P^{\circ },T^{\circ }\right)=\mu ^{\text{l,*}}\!\left(P^{\circ },T^{\circ }\right)}

avec :

  • μ φ , {\displaystyle \mu ^{\varphi ,*}} le potentiel chimique du solvant pur en phase φ {\displaystyle \varphi }  ;
  • μ l,* {\displaystyle \mu ^{\text{l,*}}} le potentiel chimique du solvant pur en phase liquide.

Lorsque l'on introduit une quantité très petite de soluté dans le solvant liquide, la solution obtenue peut être considérée comme idéale. Le potentiel chimique du solvant en phase liquide est alors modifié selon :

μ l ( P , T , x ) = μ l,* ( P , T ) + R T ln x s {\displaystyle \mu ^{\text{l}}\!\left(P^{\circ },T^{\circ },x\right)=\mu ^{\text{l,*}}\!\left(P^{\circ },T^{\circ }\right)+RT^{\circ }\,\ln x_{s}}

avec :

Puisque R {\displaystyle R} et T {\displaystyle T^{\circ }} sont positives et que 0 < x s < 1 {\displaystyle 0<x_{s}<1} , alors :

μ l ( P , T , x ) < μ l,* ( P , T ) {\displaystyle \mu ^{\text{l}}\!\left(P^{\circ },T^{\circ },x\right)<\mu ^{\text{l,*}}\!\left(P^{\circ },T^{\circ }\right)}

À pression et température constantes la présence du soluté diminue le potentiel chimique du solvant en phase liquide. En conséquence, lors de la formation d'une solution les molécules du solvant ont moins tendance à se déplacer vers une autre phase, les solutions liquides deviennent ainsi stables :

Rétablissement d'un équilibre de phases

Évolution du potentiel chimique du solvant en fonction de la température. La présence du soluté diminue le potentiel chimique du solvant liquide, ce qui augmente sa température d'ébullition et diminue sa température de fusion (congélation).

On considère que le soluté est absent de la phase φ {\displaystyle \varphi } (le soluté n'est pas volatil dans le cas d'une phase gazeuse, ou ne se solidifie pas dans le cas d'une phase solide). La phase φ {\displaystyle \varphi } est donc exclusivement constituée du solvant pur (à l'état gazeux, liquide ou solide).

L'équilibre de phases du solvant en présence du soluté ne peut pas s'établir à P {\displaystyle P^{\circ }} et T {\displaystyle T^{\circ }} , puisque μ φ , ( P , T ) μ l ( P , T , x ) {\displaystyle \mu ^{\varphi ,*}\!\left(P^{\circ },T^{\circ }\right)\neq \mu ^{\text{l}}\!\left(P^{\circ },T^{\circ },x\right)} . Les propriétés colligatives correspondent aux modifications de pression ou de température nécessaires pour retrouver un équilibre de phases avec, toujours dans l'hypothèse d'une solution liquide suffisamment diluée pour être idéale :

Équilibre de phases du solvant en solution
μ φ , ( P , T ) = μ l,* ( P , T ) + R T ln x s {\displaystyle \mu ^{\varphi ,*}\!\left(P,T\right)=\mu ^{\text{l,*}}\!\left(P,T\right)+RT\,\ln x_{s}}
Modification de la pression
Si l'on travaille à température T {\displaystyle T^{\circ }} constante, on ne peut retrouver un équilibre de phases du solvant qu'en modifiant la pression afin d'obtenir :
μ φ , ( P , T ) = μ l,* ( P , T ) + R T ln x s {\displaystyle \mu ^{\varphi ,*}\!\left(P,T^{\circ }\right)=\mu ^{\text{l,*}}\!\left(P,T^{\circ }\right)+RT^{\circ }\,\ln x_{s}}
Si la phase φ {\displaystyle \varphi } est une phase gazeuse, alors P < P {\displaystyle P<P^{\circ }}  : la pression de vapeur saturante du solvant est abaissée.
Cas de l'osmose
Dans le cas particulier de l'osmose, la phase φ {\displaystyle \varphi } est le solvant pur à l'état liquide. Une membrane semi-perméable sépare le solvant liquide pur de la solution. Cette membrane permet d'établir un équilibre mécanique dans lequel les deux phases liquides sont sous des pressions différentes à la même température. On peut ainsi conserver la pression P {\displaystyle P^{\circ }} dans le solvant pur et modifier la pression uniquement dans la solution :
μ l,* ( P , T ) = μ l,* ( P , T ) + R T ln x s {\displaystyle \mu ^{\text{l,*}}\!\left(P^{\circ },T^{\circ }\right)=\mu ^{\text{l,*}}\!\left(P,T^{\circ }\right)+RT^{\circ }\,\ln x_{s}}
avec P > P {\displaystyle P>P^{\circ }}  : la présence du soluté augmente la pression d'équilibre de la solution, il s'agit de la pression osmotique.
Modification de la température
Si l'on travaille à pression P {\displaystyle P^{\circ }} constante, on ne peut retrouver un équilibre de phases du solvant qu'en modifiant la température afin d'obtenir :
μ φ , ( P , T ) = μ l,* ( P , T ) + R T ln x s {\displaystyle \mu ^{\varphi ,*}\!\left(P^{\circ },T\right)=\mu ^{\text{l,*}}\!\left(P^{\circ },T\right)+RT\,\ln x_{s}}
Si la phase φ {\displaystyle \varphi } est une phase gazeuse, alors T > T {\displaystyle T>T^{\circ }}  : la température d'ébullition du solvant est élevée.
Si la phase φ {\displaystyle \varphi } est une phase solide, alors T < T {\displaystyle T<T^{\circ }}  : la température de fusion du solvant est abaissée.

Énoncé des lois

Les écarts colligatifs Δ X {\displaystyle \Delta X} sont tous positifs. La propriété X {\displaystyle X} de la solution est calculée pour un abaissement par soustraction de l'écart colligatif à la propriété X {\displaystyle X^{*}} du solvant pur : X = X Δ X {\displaystyle X=X^{*}-\Delta X}  ; pour une élévation l'écart colligatif est ajouté à la propriété du solvant pur : X = X + Δ X {\displaystyle X=X^{*}+\Delta X} .

Abaissement de la pression de vapeur saturante

Article détaillé : Loi de la tonométrie.

Lorsque l'on considère un solvant s {\displaystyle s} contenant un soluté σ {\displaystyle \sigma } , la pression de vapeur saturante du solvant avec le soluté est plus basse que la pression de vapeur saturante du solvant seul à la même température. La loi de la tonométrie s'énonce ainsi :

« Dans une solution binaire, l'abaissement relatif de la pression de vapeur saturante du solvant est égal à la fraction molaire du soluté. »

Soit :

Loi de la tonométrie : Δ P sat P sat = x σ {\displaystyle {\Delta P^{\text{sat}} \over P^{\text{sat}}}=x_{\sigma }}

avec :

  • P sat {\displaystyle P^{\text{sat}}} la pression de vapeur saturante du solvant pur ;
  • Δ P sat {\displaystyle \Delta P^{\text{sat}}} l'abaissement absolu de la pression de vapeur saturante du solvant en présence du soluté ;
  • x σ {\displaystyle x_{\sigma }} la fraction molaire du soluté.

Le terme Δ P sat P sat {\displaystyle {\Delta P^{\text{sat}} \over P^{\text{sat}}}} est l'abaissement relatif de la pression de vapeur saturante du solvant.

Autrement dit, à température constante, la pression de vapeur saturante P sat {\displaystyle P^{\text{sat}}} du solvant pur passe à P = P sat Δ P sat {\displaystyle P=P^{\text{sat}}-\Delta P^{\text{sat}}} en présence d'un soluté. La fraction molaire du soluté étant une grandeur positive, l'abaissement de pression est positif. Ainsi l'ajout d'un soluté fait-il diminuer la pression de vapeur saturante du solvant à température constante ( Δ P sat > 0 {\displaystyle \Delta P^{\text{sat}}>0} , soit P < P sat {\displaystyle P<P^{\text{sat}}} ).

La loi de la tonométrie peut également s'exprimer en fonction de la molalité b σ = n σ / m s {\displaystyle b_{\sigma }=n_{\sigma }/m_{s}} du soluté (en mol/kg) selon :

Loi de la tonométrie : Δ P sat = M s P sat 1000 b σ {\displaystyle \Delta P^{\text{sat}}={M_{s}P^{\text{sat}} \over 1000}\cdot b_{\sigma }}

avec :

  • n σ {\displaystyle n_{\sigma }} la quantité du soluté (en mol) ;
  • m s {\displaystyle m_{s}} la masse du solvant en solution (en kg) ;
  • M s {\displaystyle M_{s}} la masse molaire du solvant (en g/mol).

Élévation de la température d'ébullition

Article détaillé : Loi de l'ébulliométrie.

Lorsque l'on considère un solvant s {\displaystyle s} contenant un soluté σ {\displaystyle \sigma } , la température d'ébullition du solvant avec le soluté est plus haute que la température d'ébullition du solvant seul. La loi de l'ébulliométrie s'énonce ainsi :

« L'élévation de la température d'ébullition est proportionnelle à la fraction molaire du soluté. »

Soit (en remarquant que pour un corps pur la température d'ébullition est égale à la température de vaporisation) :

Loi de l'ébulliométrie : Δ T vap = K éb x σ {\displaystyle \Delta T_{\text{vap}}=K_{\text{éb}}\cdot x_{\sigma }}

avec :

  • Δ T vap {\displaystyle \Delta T_{\text{vap}}} l'élévation de la température d'ébullition du solvant (en K) ;
  • K éb {\displaystyle K_{\text{éb}}} la constante ébullioscopique du solvant (en K) ;
  • x σ {\displaystyle x_{\sigma }} la fraction molaire du soluté (en mol/mol).

La constante ébullioscopique ne dépend que des propriétés du solvant :

Constante ébullioscopique : K éb = R T vap 2 Δ vap H {\displaystyle K_{\text{éb}}={R\,{T_{\text{vap}}}^{2} \over \Delta _{\text{vap}}H}}

avec :

  • R {\displaystyle R} la constante universelle des gaz parfaits (en J/(K·mol)) ;
  • T vap {\displaystyle T_{\text{vap}}} la température d'ébullition du solvant pur (en K) ;
  • Δ vap H {\displaystyle \Delta _{\text{vap}}H} l'enthalpie de vaporisation du solvant pur à T vap {\displaystyle T_{\text{vap}}} (en J/mol).

Sous cette forme, la constante ébullioscopique a la dimension d'une température, elle s'exprime en kelvins (K).

Autrement dit, à pression constante, la température d'ébullition T vap {\displaystyle T_{\text{vap}}} du solvant pur passe à T = T vap + Δ T vap {\displaystyle T=T_{\text{vap}}+\Delta T_{\text{vap}}} en présence d'un soluté. L'enthalpie de vaporisation étant une grandeur positive, la constante ébullioscopique est positive. Ainsi l'ajout d'un soluté fait-il augmenter la température d'ébullition du solvant à pression constante ( Δ T vap > 0 {\displaystyle \Delta T_{\text{vap}}>0} , soit T > T vap {\displaystyle T>T_{\text{vap}}} ).

La loi de l'ébulliométrie peut également s'exprimer en fonction de la molalité b σ = n σ / m s {\displaystyle b_{\sigma }=n_{\sigma }/m_{s}} du soluté (en mol/kg) selon :

Loi de l'ébulliométrie : Δ T vap = K éb b σ {\displaystyle \Delta T_{\text{vap}}=K_{\text{éb}}^{\prime }\cdot b_{\sigma }}
Constante ébullioscopique molale : K éb = R T vap 2 Δ vap H M s 1000 {\displaystyle K_{\text{éb}}^{\prime }={R\,{T_{\text{vap}}}^{2} \over \Delta _{\text{vap}}H}{M_{s} \over 1000}}

avec :

  • n σ {\displaystyle n_{\sigma }} la quantité du soluté (en mol) ;
  • m s {\displaystyle m_{s}} la masse du solvant en solution (en kg) ;
  • M s {\displaystyle M_{s}} la masse molaire du solvant (en g/mol).

Sous cette forme, la constante ébullioscopique s'exprime en K·kg/mol (ou en °C·kg/mol), elle ne dépend toujours que des propriétés du solvant pur.

Abaissement de la température de fusion

Article détaillé : Loi de la cryométrie.

Lorsque l'on considère un solvant s {\displaystyle s} contenant un soluté σ {\displaystyle \sigma } , la température de solidification du solvant avec le soluté est plus basse que la température de solidification du solvant seul. La loi de la cryométrie s'énonce ainsi :

« L'abaissement de la température de solidification est proportionnel à la fraction molaire du soluté. »

Soit (en remarquant que pour un corps pur la température de solidification - ou température de congélation - est égale à la température de fusion) :

Loi de la cryométrie : Δ T fus = K cry x σ {\displaystyle \Delta T_{\text{fus}}=K_{\text{cry}}\cdot x_{\sigma }}

avec :

  • Δ T fus {\displaystyle \Delta T_{\text{fus}}} l'abaissement de la température de fusion du solvant (en K) ;
  • K cry {\displaystyle K_{\text{cry}}} la constante cryoscopique du solvant (en K) ;
  • x σ {\displaystyle x_{\sigma }} la fraction molaire du soluté (en mol/mol).

La constante cryoscopique ne dépend que des propriétés du solvant :

Constante cryoscopique : K cry = R T fus 2 Δ fus H {\displaystyle K_{\text{cry}}={R\,{T_{\text{fus}}}^{2} \over \Delta _{\text{fus}}H}}

avec :

  • R {\displaystyle R} la constante universelle des gaz parfaits (en J/(K·mol)) ;
  • T fus {\displaystyle T_{\text{fus}}} la température de fusion du solvant pur (en K) ;
  • Δ fus H {\displaystyle \Delta _{\text{fus}}H} l'enthalpie de fusion du solvant pur à T fus {\displaystyle T_{\text{fus}}} (en J/mol).

Sous cette forme, la constante cryoscopique a la dimension d'une température, elle s'exprime en kelvins (K).

Autrement dit, à pression constante, la température de fusion T fus {\displaystyle T_{\text{fus}}} du solvant pur passe à T = T fus Δ T fus {\displaystyle T=T_{\text{fus}}-\Delta T_{\text{fus}}} en présence d'un soluté. L'enthalpie de fusion étant une grandeur positive, la constante cryoscopique est positive. Ainsi l'ajout d'un soluté fait-il diminuer la température de fusion du solvant à pression constante ( Δ T fus > 0 {\displaystyle \Delta T_{\text{fus}}>0} , soit T < T fus {\displaystyle T<T_{\text{fus}}} ).

La loi de la cryométrie peut également s'exprimer en fonction de la molalité b σ = n σ / m s {\displaystyle b_{\sigma }=n_{\sigma }/m_{s}} du soluté (en mol/kg) selon :

Loi de la cryométrie : Δ T fus = K cry b σ {\displaystyle \Delta T_{\text{fus}}=K_{\text{cry}}^{\prime }\cdot b_{\sigma }}
Constante cryoscopique molale : K cry = R T fus 2 Δ fus H M s 1000 {\displaystyle K_{\text{cry}}^{\prime }={R\,{T_{\text{fus}}}^{2} \over \Delta _{\text{fus}}H}{M_{s} \over 1000}}

avec :

  • n σ {\displaystyle n_{\sigma }} la quantité du soluté (en mol) ;
  • m s {\displaystyle m_{s}} la masse du solvant en solution (en kg) ;
  • M s {\displaystyle M_{s}} la masse molaire du solvant (en g/mol).

Sous cette forme, la constante cryoscopique s'exprime en K·kg/mol (ou en °C·kg/mol), elle ne dépend toujours que des propriétés du solvant pur.

Pression osmotique

Articles détaillés : Osmose et Loi de l'osmométrie.
Un solvant et une solution d'un soluté quelconque dans ce même solvant sont séparés par une membrane semi-perméable. À l'équilibre osmotique, la pression osmotique correspond à l'écart de pression de part et d'autre de cette membrane.

Lorsque l'on place un solvant s {\displaystyle s} pur et une solution d'un soluté σ {\displaystyle \sigma } quelconque dans le même solvant de part et d'autre d'une membrane semi-perméable (ne laissant passer que le solvant), le solvant migre spontanément à travers la membrane du compartiment A contenant le solvant pur vers le compartiment B contenant la solution : ce phénomène est appelé osmose. Au bout d'un certain temps la migration du solvant cesse et un équilibre s'établit entre les deux compartiments. À l'équilibre osmotique la membrane subit une pression plus importante de la part de la solution que de la part du solvant pur ; le solvant migre donc du compartiment de plus faible pression, le compartiment A, vers celui de plus forte pression, le compartiment B.

La loi de van 't Hoff permet de calculer le surcroît de pression exercée par le compartiment contenant la solution dans le cas des solutions très diluées selon :

Loi de van 't Hoff, ou loi de l'osmométrie : Π V = n σ R T {\displaystyle \Pi V=n_{\sigma }RT}

avec :

  • Π {\displaystyle \Pi } la pression osmotique (en Pa), c'est-à-dire le surcroît de pression exercée sur la membrane par la solution du compartiment B par rapport au solvant pur du compartiment A ;
  • V {\displaystyle V} le volume de la solution du compartiment B (en m3) ;
  • n σ {\displaystyle n_{\sigma }} la quantité (ou nombre de moles) de soluté en solution (en mol) ;
  • R {\displaystyle R} la constante universelle des gaz parfaits (en J/(K·mol)) ;
  • T {\displaystyle T} la température (en K).

La forme de cette loi rappelle celle des gaz parfaits P V = n R T {\displaystyle PV=nRT} . Elle est totalement indépendante des propriétés intrinsèques du solvant et du soluté. Quelles que soient les conditions opératoires Π > 0 {\displaystyle \Pi >0} , c'est donc toujours le compartiment B contenant la solution qui exerce la pression la plus importante sur la membrane.

La loi de l'osmométrie peut également s'exprimer en fonction de la molalité b σ = n σ / m s {\displaystyle b_{\sigma }=n_{\sigma }/m_{s}} du soluté (en mol/kg) selon :

Loi de l'osmométrie : Π = ρ s R T b σ {\displaystyle \Pi =\rho _{s}RT\cdot b_{\sigma }}

avec :

  • n σ {\displaystyle n_{\sigma }} la quantité du soluté (en mol) ;
  • m s {\displaystyle m_{s}} la masse du solvant en solution (en kg) ;
  • ρ s {\displaystyle \rho _{s}} la masse volumique du solvant pur à la température T {\displaystyle T} (en kg/m3).

Applications

Détermination d'une masse molaire

Les propriétés colligatives permettent notamment de déterminer la masse molaire M σ {\displaystyle M_{\sigma }} d'un soluté.

De façon générale, on crée une solution en dissolvant une masse m σ {\displaystyle m_{\sigma }} de soluté dans un solvant liquide. Cette masse doit être suffisamment faible afin que la solution obtenue soit le plus proche possible d'une solution idéale. On détermine expérimentalement l'un des écarts colligatifs Δ P sat {\displaystyle \Delta P^{\text{sat}}} , Δ T vap {\displaystyle \Delta T_{\text{vap}}} , Δ T fus {\displaystyle \Delta T_{\text{fus}}} ou Π {\displaystyle \Pi } de cette solution. Les lois énoncées précédemment permettent de calculer la quantité n σ {\displaystyle n_{\sigma }} du soluté en solution. La masse molaire du soluté peut donc être obtenue selon : M σ = m σ / n σ {\displaystyle M_{\sigma }=m_{\sigma }/n_{\sigma }} .

Exemple[1]
On prépare une solution de 1,25 g de salicylate de méthyle (essence de gaulthérie couchée ou wintergreen) dans 99,0 g de benzène. La température d'ébullition du benzène pur est de 80,1 °C, celle de la solution de 80,31 °C. La constante ébullioscopique molale K éb {\displaystyle K_{\text{éb}}^{\prime }} du benzène vaut 2,53 °C·kg/mol.
L'élévation de la température d'ébullition est de :
Δ T vap = 80 , 31 80 , 1 = 0 , 21 °C {\displaystyle \Delta T_{\text{vap}}=80{,}31-80{,}1=0{,}21\,{\mathsf {\text{°C}}}}
Le nombre de moles du salicylate de méthyle est de :
n sdm = 0 , 21 2 , 53 99 1000 = 0,008 22 mol {\displaystyle n_{\text{sdm}}={0{,}21 \over 2{,}53}{99 \over 1000}=0{,}008\,22\,{\mathsf {\text{mol}}}}
La masse molaire du salicylate de méthyle est donc de :
M sdm = 1 , 25 0,008 22 = 152 g/mol {\displaystyle M_{\text{sdm}}={1{,}25 \over 0{,}008\,22}=152\,{\mathsf {\text{g/mol}}}}

Étude du comportement d'un soluté en solution

Dans certains cas, notamment celui des électrolytes, les écarts colligatifs Δ P sat {\displaystyle \Delta P^{\text{sat}}} , Δ T vap {\displaystyle \Delta T_{\text{vap}}} , Δ T fus {\displaystyle \Delta T_{\text{fus}}} ou Π {\displaystyle \Pi } obtenus expérimentalement sont plus importants que ceux prévus théoriquement. Ceci s'explique par la dissociation (notamment sous forme d'ions) du soluté dans la solution : le nombre de particules en solution est plus élevé que prévu. Ainsi, le chlorure de sodium (sel de table) NaCl se dissocie dans l'eau en deux ions selon :

N a C l ( s ) N a + ( a q ) + C l ( a q ) {\displaystyle {\rm {NaCl(s)\to Na^{+}(aq)+Cl^{-}(aq)}}}

L'abaissement de la température de fusion Δ T fus {\displaystyle \Delta T_{\text{fus}}} d'une solution aqueuse de sel est quasiment deux fois plus important que prévu. Le sulfate de sodium Na2SO4 se dissocie dans l'eau en trois ions selon :

N a 2 S O 4 ( s ) 2 N a + ( a q ) + S O 4 2 ( a q ) {\displaystyle {\rm {Na_{2}SO_{4}(s)\to 2\,Na^{+}(aq)+SO_{4}^{2-}(aq)}}}

L'abaissement de la température de fusion Δ T fus {\displaystyle \Delta T_{\text{fus}}} d'une solution aqueuse de sulfate de sodium est quasiment trois fois plus important que prévu[2].

Dans d'autres cas les écarts colligatifs expérimentaux sont inférieurs aux écarts prévus théoriquement. Ceci s'explique par une association des molécules de soluté en solution : le nombre de particules en solution est plus petit que prévu. Ainsi, dans le benzène l'acide acétique forme des dimères selon :

2 C H 3 C O O H ( l ) ( C H 3 C O O H ) 2 ( s l n ) {\displaystyle {\rm {2\,CH_{3}COOH(l)\rightarrow \left(CH_{3}COOH\right)_{2}(sln)}}}

En conséquence, les écarts colligatifs de ces solutions sont la moitié de ceux attendus théoriquement.

De façon générale, les quatre lois relatives aux propriétés colligatives peuvent s'écrire dans leur forme molale selon :

Δ = K n σ m s {\displaystyle \Delta =K^{\prime }\cdot {n_{\sigma } \over m_{s}}}

avec :

  • Δ {\displaystyle \Delta } l'écart colligatif ;
  • K {\displaystyle K^{\prime }} une constante ne dépendant que des propriétés du solvant ;
  • m s {\displaystyle m_{s}} la masse de solvant ;
  • n σ {\displaystyle n_{\sigma }} la quantité de soluté.

On définit :

  • Δ th {\displaystyle \Delta _{\text{th}}} l'écart colligatif théorique que l'on devrait obtenir si le soluté ne se dissociait et ne s'associait pas ;
  • Δ exp {\displaystyle \Delta _{\text{exp}}} l'écart colligatif que l'on obtient expérimentalement ;
  • n σ , a {\displaystyle n_{\sigma ,{\text{a}}}} la quantité de soluté théorique, ou apparente, en l'absence de toute dissociation ou association ;
  • n σ , r {\displaystyle n_{\sigma ,{\text{r}}}} la quantité de soluté réelle, conséquence d'une dissociation ou d'une association.

On a :

Δ th = K n σ , a m s {\displaystyle \Delta _{\text{th}}=K^{\prime }\cdot {n_{\sigma ,{\text{a}}} \over m_{s}}}
Δ exp = K n σ , r m s {\displaystyle \Delta _{\text{exp}}=K^{\prime }\cdot {n_{\sigma ,{\text{r}}} \over m_{s}}}

Le facteur de van 't Hoff i {\displaystyle i} est défini par :

Facteur de van 't Hoff : i = Δ exp Δ th {\displaystyle i={\Delta _{\text{exp}} \over \Delta _{\text{th}}}}

Ce facteur permet de déterminer le nombre de particules produites par une particule de soluté en solution :

n σ , r = i n σ , a {\displaystyle n_{\sigma ,{\text{r}}}=i\cdot n_{\sigma ,{\text{a}}}}

Une particule de soluté produit i {\displaystyle i} particules en solution. Si le soluté ne subit aucune modification lors de sa mise en solution, alors i = 1 {\displaystyle i=1}  ; si le soluté se dissocie dans la solution, alors i > 1 {\displaystyle i>1}  ; si le soluté s'associe dans la solution, alors i < 1 {\displaystyle i<1} .

Exemple 1 - dissociation d'un sel[3]

La température de fusion d'une solution aqueuse de [Co(NH3)(NO2)]Cl à une molalité de 0,002 mol/kg est de −0,007 32 °C. La constante cryoscopique molale K cry {\displaystyle K_{\text{cry}}^{\prime }} de l'eau vaut 1,86 °C·kg/mol.
L'abaissement de la température de fusion théorique est de :
Δ T fus, th = 1 , 86 × 0,002 = 0,003 72 °C {\displaystyle \Delta T_{\text{fus, th}}=1{,}86\times 0{,}002=0{,}003\,72\,{\mathsf {\text{°C}}}}
La température de fusion de l'eau pure est de 0 °C. L'abaissement de la température de fusion expérimental est de :
Δ T fus, exp = 0 ( 0,007 32 ) = 0,007 32 °C {\displaystyle \Delta T_{\text{fus, exp}}=0-\left(-0{,}007\,32\right)=0{,}007\,32\,{\mathsf {\text{°C}}}}
Le facteur de van 't Hoff est donc de :
i = Δ T fus, exp Δ T fus, th = 0,007 32 0,003 72 1 , 97 2 {\displaystyle i={\Delta T_{\text{fus, exp}} \over \Delta T_{\text{fus, th}}}={0{,}007\,32 \over 0{,}003\,72}\approx 1{,}97\approx 2}
Le corps dissout se dissocie donc en deux ions. D'autres expériences montrent qu'il s'agit de [Co(NH3)(NO2)]+ et Cl.

Exemple 2 - association du soufre[4]

0,24 g de soufre S, de masse atomique 32 g/mol, dissout dans 100 g de tétrachlorure de carbone CCl4 abaisse la température de fusion de celui-ci de 0,28 °C. La constante cryoscopique molale du CCl4 vaut 30 °C·kg/mol.
La molalité du soufre est de :
b S = 0 , 24 32 100 × 1000 = 0,075 mol/kg {\displaystyle b_{\rm {S}}={{0{,}24 \over 32} \over 100}\times 1000=0{,}075\,{\mathsf {\text{mol/kg}}}}
L'abaissement théorique de la température de fusion du CCl4 est de :
Δ T fus, th = 30 × 0,075 = 2 , 25 °C {\displaystyle \Delta T_{\text{fus, th}}=30\times 0{,}075=2{,}25{\mathsf {\text{°C}}}}
Le facteur de van 't Hoff est donc de :
i = Δ T fus, exp Δ T fus, th = 0 , 28 2 , 25 0,124 1 8 {\displaystyle i={\Delta T_{\text{fus, exp}} \over \Delta T_{\text{fus, th}}}={0{,}28 \over 2{,}25}\approx 0{,}124\approx {1 \over 8}}
Le soufre dissout se présente sous une forme moléculaire comprenant huit atomes : le cyclooctasoufre de formule S8.

Notes et références

Notes

  1. Kotz et al., p. 30.
  2. Kotz et al., p. 32.
  3. Kotz et al., p. 33.
  4. Atkins et al., p. 394.

Bibliographie

  • Détermination des poids moléculaires : mémoires de MM. Avogadro, Ampère, Raoult, van 't Hoff, D. Berthelot, Gauthier-Villars, (lire en ligne) (sur Gallica).
  • Paul Arnaud, Françoise Rouquérol, Gilberte Chambaud, Roland Lissillour, Abdou Boucekkine, Renaud Bouchet, Florence Boulc'h et Virginie Hornebecq, Chimie générale : Cours avec 330 questions et exercices corrigés et 200 QCM, Dunod, coll. « Les cours de Paul Arnaud », , 8e éd., 672 p. (ISBN 978-2-10-074482-4, lire en ligne), p. 337-341.
  • Peter William Atkins, Loretta Jones et Leroy Laverman (trad. de l'anglais), Principes de chimie, Louvain-la-Neuve, De Boeck Superieur, , 4e éd., 1088 p. (ISBN 978-2-8073-0638-7, lire en ligne), p. 388-398.
  • Peter William Atkins et Julio De Paula, Chimie Physique, De Boeck Superieur, , 4e éd., 1024 p. (ISBN 9782804166519, lire en ligne), p. 167-175.
  • Mohamed Ayadim et Jean-Louis Habib Jiwan, Chimie générale, Louvain, Presses universitaires de Louvain, coll. « Cours universitaires », , 376 p. (ISBN 978-2-87558-214-0, lire en ligne), p. 260-266.
  • Danielle Baeyens-Volant, Pascal Laurent et Nathalie Warzée, Chimie des solutions : Exercices et méthodes, Dunod, coll. « Chimie générale », , 320 p. (ISBN 978-2-10-076593-5, lire en ligne), p. 30-36.
  • John C. Kotz et Paul M. Treichel Jr (trad. de l'anglais), Chimie des solutions, Bruxelles/Issy-les-Moulineaux, De Boeck Supérieur, coll. « Chimie générale », , 358 p. (ISBN 978-2-8041-5232-1, lire en ligne), p. 23-36.
  • Claude Strazielle, Caractérisation par la détermination des masses moléculaires, vol. PE 595, Éditions techniques de l'ingénieur, (lire en ligne), p. 1-4.

Articles connexes

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